Accueil A la une Rapport Aswat Nissa 2024 : Une violence persistante, une protection défaillante

Rapport Aswat Nissa 2024 : Une violence persistante, une protection défaillante

Lors d’une conférence régionale tenue à Tunis le 14 mai 2025, l’association Aswat Nissa (Voix des Femmes) a présenté son rapport annuel sur les crimes de féminicides en Tunisie pour l’année 2024, révélant un bilan de 26 crimes et une tentative de meurtre ayant causé la mort de 30 femmes au total.

Le rapport indique que le nombre de féminicides est resté stable par rapport à l’année précédente, sans diminution notable. Sur les 26 crimes recensés, 16 ont été commis dans le Grand Tunis (64%), avec Tunis en tête (8 crimes), suivie d’Ariana (6 crimes), Ben Arous et La Manouba (1 crime chacune).

Les autres crimes se répartissent sur 12 autres gouvernorats, dont Sousse (2 crimes), tandis que les gouvernorats de Médenine, Mahdia, Sidi Bouzid, Jendouba, Gafsa, Kasserine, Kairouan, Nabeul, Sfax, Tataouine et Bizerte ont enregistré un crime chacun.

Concernant l’âge des victimes, le rapport fait état de 3 victimes de moins de 18 ans, 2 entre 19 et 25 ans, 7 entre 26 et 35 ans (28%), 5 entre 36 et 45 ans, 5 entre 46 et 60 ans, et 4 âgées de plus de 60 ans, dont une femme de 90 ans. Pour les auteurs, les tranches d’âge les plus représentées sont les quadragénaires (9 crimes) et les quinquagénaires (5 crimes), suivis des trentenaires (3 crimes), un auteur dans la vingtaine (22 ans) et un sexagénaire. L’âge des auteurs n’a pu être déterminé dans 5 cas.

Les liens entre victimes et agresseurs révèlent que 36% des crimes ont été commis par les conjoints (10 cas), 2 par des ex-conjoints, 1 par un partenaire intime, 3 par les fils des victimes, 2 par des pères contre leurs filles, et 4 par des beaux-fils.

Dans 5 cas, les auteurs n’ont pas été identifiés.
Concernant les moyens utilisés, l’arme blanche prédomine : 13 crimes avec un couteau, 1 avec une hachette, 1 avec un marteau, 1 avec une barre. Dans 3 autres cas, les méthodes étaient différentes : utilisation d’une voiture pour écraser la victime, utilisation d’un câble électrique, et strangulation à mains nues. Pour 4 cas, la méthode n’a pas été précisée.

Le rapport souligne des niveaux alarmants de violence, avec mutilations avant ou après la mort dans plusieurs cas : sectionnement de membres, brûlures de cigarettes, décapitations, démembrement, et dans un cas, conservation du corps dans un réfrigérateur pendant un an. Des cas d’agressions sexuelles avant ou après le meurtre ont également été documentés.
La majorité des crimes ont été commis dans des espaces privés (domiciles des victimes ou des agresseurs), mais certains ont eu lieu dans l’espace public. Après les crimes, certains auteurs ont pris la fuite, un s’est rendu, deux se sont suicidés par pendaison, un a tenté de se suicider au couteau, et un a incendié le domicile.
Le rapport critique le manque de données officielles et l’absence d’une couverture médiatique approfondie.

Il relève que les victimes de violence conjugale ou familiale avaient généralement subi diverses formes de violence préalables : physique, psychologique, verbale, économique, électronique, ainsi que des menaces de mort et des tentatives de meurtre. Une insuffisance dans le traitement des plaintes antérieures et l’absence d’évaluation des risques sont également pointées.

Parmi ses recommandations, Aswat Nissa préconise l’adoption d’un plan national de prévention des féminicides, la création d’un organisme de coordination au sein du ministère de la Femme, la reconnaissance du féminicide comme crime distinct, l’introduction du concept d’emprise dans le code pénal, le renforcement des mesures de protection de la loi de 2017, et la formation obligatoire des professionnels à l’évaluation des risques.

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